La Jordanie actuelle vue par le père Khalil Jaar

Le père Khalil Jaar, palestinien, est né à Bethléem il y a 55 ans. Ordonné prêtre en 1976, il officie en Jordanie depuis 30 ans. Dans un centre d’aide pour réfugiés, il distribue une aide financière et matérielle dans le respect de la dignité des personnes qui ont tout perdu et les encourage à témoigner. Figure de la solidarité chrétienne en Orient, le père Khalil Jaar regrette la faiblesse de l’Église catholique mais continue de prier pour la paix.

1) Comment expliquez-vous que la Jordanie reste un pays stable au milieu d’une région au contexte géopolitique trouble ?

« Le peuple jordanien n’est pas different des autres, mais la Jordanie a vu que le printemps arabe n’a pas été une bonne chose, que ce n’était qu’une malédiction. On ne change pas les chose grâce à la violence. Pas un seul pays arabe n’a changé sans que des malheurs s’en suivent. Les jordaniens n’ont fait qu’apprendre des erreurs des autres. »

« Il faut savoir que la famille Hachémite est une famille très noble, ils ne donnent pas l’ordre de tuer. Ils sont très proches de leurs citoyens qui sont eux mêmes rassemblés dans une même volonté de conserver la stabilité de leur pays. » « Tout le monde essaie d’éviter les corruptions en tout genre. »

2) Qu’en est-il de la sécurité des Chrétiens en Jordanie ?

« Il est malheureux de dire qu’on ne peut pas assurer le futur des Chrétiens en Jordanie. Bien que le gouvernement soit très attaché à la présence de cette religion dans la région du Moyen Orient, il reste le problème de la mauvaise éducation du peuple vis à vis des chrétiens. » « Il y a 30 ans que les frères musulmans contrôlent l’éducation en Jordanie. Ils ont immédiatement changé les manuels scolaires pour immiscer la haine de l’autre dans l’éducation des enfants. » « Il faut savoir que la famille Hachémite est la garante de la sécurité des Chrétiens en Jordanie, comme Assad l’était en Syrie et Saddam Hussein en Irak. Il faut juste espérer que personne ne viendra mettre son nez dans la politique de la Jordanie afin qu’il ne nous arrive pas la même chose qu’à nos deux voisins. »

3) Quelle est la place du discours inter-religieux en Jordanie ?

« Il y a 2 conseils en charge du discours inter-religieux. Le premier est controlé par le Prince Razi et l'autre par les évêques catholiques qui se refusent à la politique. Il y a donc très peu de discours inter-religieux. Ces échanges ne se font que lorsqu’il faut donner un coup de polish à l’image de la Jordanie sur la scène internationale. Il est difficile de passer outre l’éducation reçue il y a 30 ans. »

4) Quels changements avez-vous pu constater depuis l’arrivée des réfugiés syriens et irakien en Jordanie ?

« Ce qu’il faut savoir, c’est tout d’abord que le Roi Abdallah II est comme un chef d’orchestre. Toute la population a donc accepté cette arrivée massive de migrants, malgré les difficultés engendrées, parce que le Roi a ouvert les frontières aux persécutés. Les Jordaniens essaient donc autant que possible de vivre en paix, passant outre les souffrances et la vie quotidienne qui devient de plus en plus chère : les salaires ont baissés du fait de l’emploi illégal des réfugiés syriens, les supermarchés ont augmentés leurs prix et le prix du logement ne cesse de grimper. »