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Amman2Paris interview
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La cohabitation des religions en Jordanie - expliquée par le père Khalil Jaar

La cohabitation des religions en Jordanie - expliquée par le père Khalil Jaar

©ClaireMarineGros

©ClaireMarineGros

« La société d’Amman était à la fois musulmane et chrétienne.

Les deux communautés vivaient en parfaite harmonie,

puisque les musulmans et chrétiens habitaient les mêmes quartiers

et exerçaient les mêmes métiers. (…)

Quand des touristes s’arrêtaient à Amman dans les années 1940

- et nul doute qu’il en passait un grand nombre -,

leur première impression était que cette ville vivait dans un carnaval

ininterrompu de costumes, de dialectes et de coutumes les plus diverses. » A.R. Mounif

 

 

Pour remettre cet entretien dans son contexte, il faut bien comprendre que la Jordanie est un carrefour de cultures, d’ethnies, de nationalités déracinées et de religions. Dans le contexte géopolitique actuel, la question qui nous brule tous les lèvres est bien la suivante : « Au regard de la situation des pays voisins, comment expliquer que la Jordanie, monarchie islamique, réussisse à maintenir la paix avec la part chrétienne de sa population ? » J’ai posé la question au père Khalil Jaar, voici sa réponse.

 

 

« Je vais vous donner un exemple très simple et récent. Ca s’est passé cette semaine, le 19 juin, à Zarqa. Les faits sont les suivants : Un homme et sa femme marchaient dans la rue et ont été arrêtés par un marchand ambulant. On ne sait pas vraiment ce qu’ils se sont dit mais l’homme a cru que le marchand insultait sa femme. Le ton est monté rapidement et le couple a pris la fuite pour se réfugier dans une église. Le marchand de son coté, furieux de cette conversation, est allé rassembler une dizaine de ses amis, leur a expliqué la situation et ils sont tous arrivés devant l’église. Ils ont demandé au couple de sortir, et le curé - qui célébrait la messe - a fermé les portes. S’en sont suivis des jets de pierres et des cris de rage. »

 

On remarque que nous ne connaissons pas la religion ni du couple ni du groupe qui attendait hors de l’Eglise. Durant les heures qui suivirent, les réseaux sociaux servirent aux agitateurs de population. Chrétiens et Musulmans cherchèrent à trouver le coupable de cet incident dans le « camp adverse ».

 

« J’ai reçu un appel du Nonce apostolique qui me demandait de me rendre rapidement à Zarqa pour essayer de comprendre ce qu’il s’était passé. Je suis donc parti en fin de journée, j’ai discuté avec beaucoup de monde et avec des jeunes nous avons monté une délégation qui irait parler devant le conseil du lendemain matin. Nous avons travaillé notre discours jusqu’à 2h du matin. Le lendemain, une délégation musulmane, une délégation chrétienne, le gouverneur de Zarqa et des prêtres se sont regroupés dans une salle communautaires afin de statuer sur l’incident de la veille. Mes jeunes, chrétiens et musulmans, jordaniens, étaient présents. 

Tout le monde à parlé chacun son tour, défendant sa religion et en oubliant que nous sommes tous ensemble contre la violence. On m’a finalement donné la parole et j’ai dit « Non, ce n’est pas moi qui vait parler, c’est un de mes amis. »  Un jeune homme a donc pris la parole et a commencé son discours en se présentant : «  Je suis jordanien musulman et je suis désolé de ce qu’il s’est passé. » Il avait captivé l’assemblée et s’est fait involontairement le porte-parole de la cohabitation des religions jordaniennes. Il n’avait rien à voir avec ce qu’il s’était passé mais s’est mis à la disposition de l’église et de la mairie pour aider à réparer les dégâts. Il a également insisté sur le fait que la Jordanie pour lui c’était les musulmans et les chrétiens ensemble et pas les uns contre les autres. » 

 

 

 

La vidéo de ce discours a été vue plus de 40 000 fois en deux jours et le Nonce a demandé à le rencontrer le sur-lendemain. Le curé de Zarqa confiera au Jordan Times le soir-même : 

 

« La solidarité de notre société et des officiels reflète vraiment l'atmosphère d'amour, d'harmonie, d'acceptation et de coexistence des deux religions dans notre pays. »

 

 

 

« Nous faisons de notre mieux pour maintenir la paix entre les religions, et nous les prêtres sommes souvent mis à contribution lors de ce genre d’évènements. Il ne faut pas que le gouvernement pense que nous n’en avons rien à faire. Et il faut montrer à la population que ses jeunes, qui ont grandit dans les mêmes écoles, restent tolérants avec le temps. C’est étrange mais si les aînés voient leurs enfants heureux et ouverts ils le seront aussi. Et comme ce jeune le disait très bien « La Jordanie c’est les musulmans avec les chrétiens et pas l’un contre l’autre. » Ca fait réfléchir la population ce genre de phrase n’est-ce pas ? »

 

Bien que tendues et pas parfaites, les relations entre l’Eglise d’Orient et l’Islam en Jordanie sont soutenues. Comme le disait le père Khalil, les Jordaniens ont vu ce qui était arrivé aux pays « victimes du printemps arabes » et ont appris des erreurs des autres, de la même façon tout est mis en place pour que le Jordanie ne sombre pas dans un conflit religieux comme l’Irak.